APERDYNE LE FILM - SAISON 1
UN FABULEUX DESTIN
L’Homme a découvert de nombreuses choses et notamment l’écriture. Celle-ci lui permet de se retourner sur son histoire, lui donnant conscience de la trace de son passé. Il est ainsi capable de s’interroger sur sa condition, bien au-delà de sa propre vie. Sans cette possibilité, il continuerait à s’interroger, selon ce qu’il est capable d’appréhender dans son environnement proche et de sa capacité à transmettre l’information de manière orale ; peu fiable, car sujet à la déviance, comme avant l’invention de l’écriture. Cet outil fantastique qu’est l’écriture est donc la possibilité de figer l’information dans le temps sans la déformer. Elle a de ce fait donné à l’Homme, quelque chose de bien à part dans le monde du vivant. Elle a fait de lui, une forme de vie capable de comprendre ses origines. Cela lui donne alors une conscience naturelle, comme pour les autres formes de vies, mais aussi une conscience abstraite. Elle lui permet de prendre conscience de ce qu’il n’a pas vécu. Une conscience capable d’abstraction donne ainsi à l’être humain, une supériorité inégalée.
Mais cela lui complique les choses également, car le fait de pouvoir se projeter dans le passé, ou le futur, conditionne fortement sa vie dans l’abstrait. Il vit ainsi influencé par ce qu’il n’a pas vécu, ou par ce qu’il pourrait vivre dans le futur. Les autres formes de vies, elles, ne se projettent pas dans un futur hypothétique, conditionné par de l’information qui leur viendrait d’un passé lointain. Elles n’ont conscience, que de ce qui leur est transmis de leur vivant et par leur ADN. Elles ne peuvent donc pas se poser de questions sur leur passé ou leur futur. Et cette possibilité a fait naitre dans l’esprit des Hommes, la notion de destinée.
Qu’adviendra-t-il de moi si je fais ça, sachant que cela est déjà arrivé à d’autres ? Cela complique la vie de l’Homme, car du coup, il ne réagit plus uniquement selon sa propre expérience, mais également par celle des autres, ou celles des générations passées. Il réagit alors, sous l’influence de ce qui pourrait lui arriver de bon ou de mauvais, de ce qu’il voudrait surtout, en échappant à ce qu’il ne souhaiterait pas. Il devient calculateur dans ses agissements, pour un résultat hypothétique, freinant ainsi son instinct primaire. Mais cela lui donne une vraie supériorité, car le calcul permet des possibilités de choix, que n’a pas le reste du vivant. Cependant, cela donne aussi à vouloir maitriser son destin, coute que coute, et de s’interroger sur le fait, de ce qui entre en jeu dans celui-ci, autre que lui-même. Parce que le calcul permettant de se projeter, afin de prendre des décisions, se solde souvent par des catastrophes qu’il n’avait pas prévues. Les inventions de l’Homme changent donc sa nature. Et l’invention de l’écriture l’a emmené sur des chemins qui n’auraient pas été les siens autrement, que ce soit de sa façon de vivre ou de sa façon de penser.
Notre libre arbitre est alors conditionné en permanence par notre environnement, qui nous impose des décisions immédiates, comme le contournement d’un obstacle. Mais également par notre instinct de préservation, qui nous empêche de prendre des décisions, qui pourraient nous être fatales. Puis aussi par le calcul, celui de nos désirs par rapport à un destin que l’on souhaite favorable. Ce que ne font pas les autres formes de vie, inconsciente d’une destinée, et de ce fait, inconsciente d’un dieu possible.
Cette conscience d’un dieu possible nous donne alors, un désir éventuel qu’il agisse pour nous. Et c’est par ce désir que Dieu peut le faire, en agissant sur notre libre arbitre, nous donnant des choix possibles. Dieu n’agit donc pas directement sur nous, il ne nous téléguide pas, il est toujours possible de faire un autre choix que ce qu’il nous propose. L’action de Dieu est toujours une proposition et non une obligation, celle de la providence. Un libre arbitre réel, lui, nous imposerait de nous affranchir de tout cela, pour être effectif. Il n’est en rien une liberté totale, qui nous exempterait de toute causalité, due au hasard. Le libre arbitre n’est qu’un degré de liberté, qui crée l’illusion de n’appartenir à rien d’autre qu’à soi-même. Mais il y a des décisions que nous prenons sans même en avoir conscience et qui nous trompent. Et pour ce qui est de l’action de Dieu, on comprend alors que son impénétrable intervention, dépend surtout de notre capacité à la sujétion. Ce qui fait que Dieu n’agit que pour celui qui croit en lui.
À l’origine, l’Homme, grattant le sol de ses doigts ou à l’aide d’un objet, constate la possibilité de la symbolique. Il est aisé de reproduire des formes, qui rappellent celles de la nature. Il trace des traits, des cercles, mais aussi des tas de formes aléatoires, qui se superposent et qui l’émerveillent ; constatant que de cela, il est possible, avec un peu d’adresse, de reproduire des tas de choses qu’il connait de son environnement. Mais tracer le sol est de l’ordre de l’éphémère, les formes disparaissent rapidement sous l’effet des éléments ou du fait même des Hommes foulant ces représentations. Les premières formes de sédentarisation, par son utilisation des cavernes, vont alors changer la donne. Puisqu’il va non plus tracer le sol fragile, mais tracer et marquer les parois de façon verticale, qui sont protégées des intempéries et des dégradations naturelles. Son geste devient pérenne et disponible dans le temps, pour les générations successives. Il grave la roche, à l’aide d’instruments durs ou la marque du sang des animaux et de fluides malléables de son environnement, comme la boue ou la cendre. Son geste, devenant durable, s’améliore par la répétition des réalisations déjà faites, il prend de l’intérêt, passant de la curiosité expérimentale, à la possibilité de transmettre une information visible de tous et à tout moment. Il commence à reproduire la nature de manière intentionnelle, pour exprimer ce qui est essentiel pour lui, comme la chasse.
Les animaux qu’il chasse sont ce qui est le plus important, c’est ce qui lui permet de survivre. Il est totalement dépendant de cela, car la cueillette ne suffit pas, elle est trop sujette aux saisons et à l’environnement. C’est bien la chasse qui permet à l’Homme de se sédentariser, parce que la ressource est toujours disponible. Mais si la ressource est toujours disponible, elle ne s’avère pas toujours prolifique, car elle est mobile. L’Homme doit donc faire preuve de discernement et de stratégie, s’il espère sa chasse suffisante. Il revient souvent bredouille malgré tout et se met en danger. Il semble alors naturel, que les premières formes de représentations créées par l’Homme, eussent été le monde animal, dont il suit les migrations, favorisant son expansion et conditionnant son devenir.
Si l’on se penche sur l’importance des découvertes, concernant les représentations pariétales, on imagine facilement que le monde animal occupait le principal de l’imaginaire humain de l’époque. Comment en aurait-il pu être autrement, de quelque chose d’aussi essentiel ? Les premières interrogations humaines se sont ainsi forgées sur le pouvoir des animaux par rapport à l’Homme. Car il n’avait pas encore ce sentiment de supériorité, que nous avons aujourd’hui, sur les autres formes de vie. Même s’il constatait ses particularités, il ne l’a intégré qu’à mesure de sa domination sur les autres espèces et de son inventivité.
L’être humain est une bête curieuse, comme d’autres animaux. Mais lui a bénéficié de prédispositions physiques favorables, pour mettre en exergue cette curiosité. Le fait qu’il ait des bras, des mains et des doigts ; mais aussi la possibilité qu’il a de se tenir debout, lui donne la possibilité de tenir un outil ou un projectile tout en se déplaçant. Les doigts qui permettent de manipuler aisément les objets favorisent la découverte et la construction. Et si les mains sont un outil formidable pour s’accrocher aux branches, la position debout, elle, les libère pour d’autres utilités. La forme physique même du corps humain, a fait de lui, la forme de vie la plus propice, pour s’adapter à notre environnement. Celle qui finalement peut se permettre le plus de choses, grâce à sa morphologie. Cette forme fait donc de l’Homme la plus intelligente et favorable à l’évolution sur terre.
L’Homme a ainsi appris à communiquer par la parole de façon plus élaborée, car la chasse collective l’exige. Mais aussi par la représentation graphique, qu’il n’a cessé d’améliorer. Passant de la reproduction de la nature, à l’iconographie plus abstraite pour transmettre l’information, jusqu’à formaliser le langage en associant le son au trait, devenant les premières formes d’écritures. La possibilité qu’a eu l’Homme de figer l’information dans le temps lui a permis de figer les idées également. Et si les premières représentations animalières sur les parois des cavernes pouvaient avoir quelque chose de spirituel ou de mystique ; alors, elles ont participé à la pérennité des idées abstraites de l’Homme et se sont transmises en partie grâce à cela.
Le destin est une idée abstraite, transmise de génération en génération, en relation avec le fait que ce futur que l’on ignore, lui, puisse être connu ou contrôlé par des forces inconnues. Justifiant alors que la chasse ne soit pas toujours prolifique. Les dessins animaliers des cavernes ont participé et entretenu les premières croyances orales, le progrès de l’écriture développé les premières religions, formalisant dans le temps des idées évoluées, s’imposant à tous. L’idée du destin, c’est le passé qui nous est connu, mais aussi cette possibilité de savoir, ce qui peut advenir de nous dans le futur. Et c’est très important pour l’Homme, car c’est surtout l’anticipation face à la mort. Il a donc depuis très longtemps eu besoin de deviner son futur, parce qu’il sait depuis toujours qu’il est mortel et vulnérable.
Son regard, tourné vers le ciel, a toujours été sa plus grande inconnue. Et son savoir accumulé de l’observation des étoiles en mouvement, lui a suscité l’idée que du ciel pouvait venir les réponses concernant son futur et son destin. Il y a suffisamment d’étoiles pour tous, c’est alors autant de réponses pour chacun des Hommes, car le destin est personnel et la mort des uns, ne provoque pas la mort des autres. L’écriture a permis de formaliser cela, pour en faire la science des étoiles et aider l’Homme à maitriser son destin. Les dieux des étoiles se sont ainsi substitués aux dieux de la chasse et de la nature.
Mais les étoiles ne semblent pas être comme nous, même si la paréidolie nous donne à y voir des signes reconnaissables, elles ne nous ressemblent pas, elles ne nous parlent pas, elles ne commandent pas. Donc, comment guider un peuple à l’aune de la position des étoiles ? Il a fallu trouver des dieux ailleurs, des dieux qui nous parlent et qui agissent pour nous. L’invention de l’écriture moderne a permis de répandre toutes ces idées bien plus élaborées, créant des dieux avec une histoire comme celle de l’Homme et agissant pour lui. Elle permet de fixer dans le temps l’histoire de l’humanité, avec celle des dieux. Le destin devient alors une affaire de dieux, qui perdure depuis, car Dieu maintenant est celui par qui tout a commencé, l’univers, le monde, l’Homme et pourquoi pas son futur. Le destin est devenu indissociable de la croyance spirituelle, parce qu’il est une affaire d’Hommes, dans une nature créée par Dieu, censé pouvoir la contrôler.
Alors peut-on croire au destin, sans croire en Dieu malgré tout ? Car le destin, c’est ce qui doit arriver, quoi que vous fassiez. C’est ce qui est écrit, sous-entendu, décidé par quelque chose et en vérité par Dieu… Pour Jésus, il n’y a pas de destin, il considère que l’Homme est libre et responsable de ses actes. Chacun chemine vers son salut en son âme et conscience et est responsable de sa fin. Dieu n’intervient donc pas dans le choix des Hommes, la providence est une main tendue et non une intervention divine forcée. Les choses sont alors très claires, le fait de croire en Dieu ne vous protège de rien. Cependant, Dieu peut vous aider dans la difficulté. Et selon Jésus, un acte de foi ne suffit pas. Car si ce choix est libre, il nécessite néanmoins des œuvres de charité qui appartiennent à la liberté de chacun. C’est un point important qu’il souligne, pour montrer qu’il ne suffit pas de croire en Dieu, pour avoir ses bonnes grâces, mais qu’il faut également agir pour le bien d’autrui, afin de recevoir soi-même en retour. Mais le libre arbitre apparent de l’Homme lui fait dire le contraire. Car si le ciel ne peut nous aider que si l’on s’aide soi-même, alors l’intervention divine est facilement possible à remettre en cause et l’on peut prétendre ainsi pouvoir maitriser son destin sans Dieu.
Donc le destin existe-t-il ou non ? Parce qu’en théorie, il suffirait de connaitre l’état de l’ensemble des corps qui constitue l’univers à un instant « T », pour en déduire le futur. Et pour une intelligence qui serait à même d’appréhender ces valeurs et les soumettre à l’analyse, rien ne serait incertain et l’avenir comme le passé serait présent à ses yeux. Dieu pourrait de ce fait agir, mais il aurait besoin de l’action des Hommes dans le temps pour cette action. À cause de notre liberté de choix, Dieu pourrait changer les choses, mais uniquement avec notre assentiment. Alors si notre monde est transcendant, cela peut sembler logique, il n’y a pas d’incohérence avec ce que dit Jésus et il aurait raison. Mais dans le cas d’un monde immanent, le hasard est une nécessité absolue…
En science, une doctrine appelée « le déterminisme » considère l’univers comme étant soumis à des lois qu’il est possible d’expliquer, afin de prévoir les phénomènes. Le déterminisme peut aller vers un mouvement général de dégradation de l’information, qui aboutit progressivement au chaos, c’est ce qu’on appelle « l’entropie ». Ou bien vers un long processus d’organisation du chaos, qui aboutit, lui, à des formes de plus en plus complexes. Mais le chaos est une conception qui implique fortement le hasard, qui lui, se situe au niveau des particules élémentaires. Alors pour maitriser son destin, il faudrait que le hasard existe également à notre échelle, ce qui n’est pas le cas. Et que l’on soit à même d’y faire appel, lorsque l’on souhaite décider de notre avenir, sans y trouver une autre cause que notre libre arbitre. Qui peut s’enorgueillir d’avoir déjà fait une telle chose ? Car il faudrait pour cela, avoir un pouvoir d’influence sur tout ce qui existe, les gens, la nature, le temps, etc. Alors, même si le destin n’est pas du ressort de Dieu, le fait est que personne n’est à même d’agir sur lui. Mais en tout état de cause, en admettant qu’on ait la possibilité de deviner le futur, et qu’il soit possible de guider ses actions à son avantage. La connaissance de son futur, c’est déjà modifier le futur, car connaitre le futur, afin de s’en servir, annule systématiquement ce futur, au profit d’un autre. La seule façon serait que l’on puisse agir pour vous, sans que vous le sachiez. Mais cela revient alors à vous abandonner à un futur, qui n’est peut-être pas celui que vous souhaitez : votre destin.
Cependant, si notre monde est transcendant et que Dieu agit par les choix qu’il nous soumet, notre libre arbitre est ainsi préservé. La nature étant vraiment bien faite, empêche que le futur puisse être connu, par quelque chose qui participe à ce futur. Parce que le futur est l’héritage causal de notre réalité, dans son ensemble. Ce qui arrive dans le futur est toujours le résultat du passé. Et c’est pour ça que Dieu pourrait être en capacité d’anticiper le futur, car lui, ne subit pas la causalité de notre réalité, disposant d’une lecture de notre passé. Mais s’il peut anticiper le futur, il n’agit pas sur lui directement. Il se sert de ce qui participe au futur, en proposant une action possible, par l’éveil de cette possibilité. Ce qui fait que Dieu ne transforme pas le monde de son intention, mais de l’intention de ce qui participe au monde. On comprend alors la nécessité de demander à Dieu, qui oblige à lui donner, par ce qui nous semble recevoir. Car nos âmes, qui participent à sa réalité, nourrissent son spectre, par nos intentions qui sont utiles à son dessein. Lorsque l’on agit afin de changer le monde, nous ne faisons que suivre notre chemin, qui est le destin du monde. Mais en aucun cas le changement d’un destin que vous avez imaginé, comme vous pensez qu’il aurait dû être. Car ce qui vous parait être de votre libre arbitre est en fait uniquement le résultat d’un héritage causal, qui remonte aux origines de l’univers. Si tel n’était pas le cas, notre réalité ne pourrait pas tenir sa cohésion, parce que le futur n’aurait plus de rapports avec le passé, par les choix qu’une forme de vie pourrait faire. Le futur se doit être tel que le passé l’a défini, et comme tout est lié physiquement, le passé qui ne peut se modifier, empêche un futur d’advenir, qui ne serait pas en cohérence avec lui.
Le libre arbitre est donc bien une parfaite illusion. Et il faut reconnaitre que les choses ne sont pas simples et surtout contre-intuitives. Au point que l’on pourrait se demander, quel intérêt ont-elles d’être ainsi ? Eh bien, c’est parce qu’on n’imagine pas une histoire à la réalité, mais une histoire à l’univers uniquement… Le hasard, s’il existe, lui, ne peut rien pour vous. Il n’entre pas en jeu pour vos décisions, pour votre libre arbitre. Il est juste là pour le maintien de l’équilibre de notre nature, afin que celle-ci ne puisse basculer dans la dégradation, engendrée par les forces en jeu. Le hasard, s’il existe, est un phénomène singulier qui se situe au cœur de chaque atome. Et pour que le hasard ait un impact sur la vie d’un être humain, il faudrait que le hasard d’un atome puisse se synchroniser à un autre. Puis à l’ensemble des atomes qui vous constituent, pour avoir un impact au niveau macroscopique où le hasard n’existe pas. Mais si le hasard d’un atome se synchronise avec celui d’un autre, c’est qu’il l’influence et s’il y a influence, il y a causalité. Ce qui serait un paradoxe, le hasard n’ayant plus sa raison d’être. Si le hasard existe, il s’exprime de façon singulière au sein de chaque atome, pour son fonctionnement, mais en aucun cas, pour influencer notre échelle, par le biais de la décohérence. Le destin est donc figé et ne subit pas le hasard, le futur ne se construit alors pas à mesure d’événements hasardeux. Le futur est déterminé d’avance, parce qu’il est le résultat hérité d’un passé qui persiste par ce qui permet l’évolution.
Encore une fois, ce type de raisonnement se fonde sur : le pourquoi la réalité existe et non sur ce qui constitue l’univers. Mais ça ne veut pas dire que le futur est déterminé dès le départ, au sens du résultat précis attendu. Le futur se construit seul et non par hasard, ce qui n’est pas la même chose. C’est l’instant initial qui détermine un résultat final et qui n’apparait que par l’effet du temps qui passe. Autrement dit, Dieu n’a pas décidé, dès le départ, de la forme que doivent prendre les choses, mais il a pu décider des règles initiales, qui permettent aux choses de devenir ce qu’il en attend. Dieu ne décide donc pas de la façon dont évoluent les choses ou de leur devenir, il se place en spectateur. Il peut alors constater, deviner, voir influencer la manière dont elles évoluent. C’est comme dans un jeu de quilles, vous attendez lorsque vous lancez la boule que toutes les quilles tombent, c’est le résultat attendu. Mais vous n’intervenez pas pour faire tomber chaque quille. Pour cela, vous vous servez d’une boule, et ce n’est pas la manière dont tombent les quilles qui vous intéresse, ce qui vous intéresse, c’est qu’elles tombent toutes. Il vous faut en conséquence définir l’instant initial et la bonne trajectoire de votre lancer, afin d’obtenir le résultat attendu et peu importe la manière dont cela se fait. En faisant cela, vous ne décidez pas du destin de chaque quille, vous décidez uniquement du résultat final, en trouvant le bon lancé, qui se répercutera au fil du temps à l’ensemble.
Pour notre réalité, il en est de même et contrairement à ce qu’on pourrait penser instinctivement, Dieu ne fait pas les choses, il décide de comment elles peuvent se faire. Il décide de la règle du jeu et lance le jeu, puis constate l’évolution vers le résultat attendu. C’est pour ça que Jésus nous dit que Dieu ne décide pas pour nous-mêmes, mais qu’il attend de nous d’aller dans son sens, qu’on entre dans son jeu. Nous sommes les joueurs de la nature de Dieu, où les gagnants sont ceux qui suivent les règles établies par Dieu. Alors si notre réalité est de la main de Dieu, la façon dont elle est faite est intentionnellement dans l’attente d’un résultat diversifié et non orienté. Dieu ne décide donc pas de notre destin, mais notre destin s’impose à nous, par la force de l’évolution, qui impose la règle définie par Dieu. Ce qui doit arriver arrivera et connaitre le futur ne peut se faire autrement que de croire qu’il en aurait été ainsi.
La complexité de notre réalité ne peut être atteinte par l’esprit humain, car celui-ci est trop faible pour s’en imprégner. Et ça peut être frustrant, mais c’est bien parce que nous sommes à même de ne percevoir les choses que de manière extrêmement réduite, que la vie est possible. Qu’on se le dise, car quelle perception aurions-nous du monde, si nous pouvions voir dans toutes les longueurs d’onde, par exemple ? Nous serions aveugles. Et si l’Homme peut toujours arriver à sonder son environnement, vers l’infiniment grand ou l’infiniment petit, cela reste à une échelle dérisoire. Ce qui est de l’ordre de la nature des atomes dans l’infiniment petit et des limites de l’univers observable dans l’infiniment grand constitue une barrière indépassable pour nous. Parce qu’au-delà, la nature des choses change. Et il faudrait que l’Homme soit tout autre chose que de l’énergie, pour pouvoir s’enquérir de ce qui ne l’est pas.
Les frontières de notre réalité qui nous semblent être connues ne sont en rien les limites du tout. Les choses s’expriment bien au-delà de ce qui est fait de matière. Un monde profond se situe en deçà de la structure des atomes et l’immensité de l’univers nous trompe, nous donnant à penser l’infini. Mais l’infini est une idée qui n’a pas de sens, dans une réalité où l’équilibre est nécessaire pour que nous puissions exister. Le fait même que nous existions permet de dire que l’univers n’est pas infini. C’est parce que l’Homme a besoin de définir une géométrie à tout ce qui lui est connu, qu’il le fait pour l’infiniment grand et l’infiniment petit. Mais que ce soit de l’univers ou des particules, la géométrie n’existe pas. Les particules ne sont pas de petites billes de matière et l’espace n’est pas une sphère. Car ce qui engendre la géométrie n’est pas géométrique. Cependant l’infiniment grand de l’univers et la raison d’être de l’énergie peuvent trouver leur raison d’être néanmoins. Pour cela, il est nécessaire de se projeter dans l’idée, d’un ordre des échelles de réalité transcendantale. Même si c’est difficile à admettre pour l’Homme, à cause de la limite qu’elle impose à la connaissance, et à la possibilité d’un Dieu éventuel.
Le destin est alors surtout une idée, qui nous projette par ce qui nous est connu, sur ce que l’on pourrait anticiper. Il est le résultat de ce que l’Homme a accumulé comme savoir et qu’il voudrait connaitre pour le tout un chacun, par une anticipation possible de ce savoir. Mais cela dépend fortement du libre arbitre, cette liberté de choix qui peut nous faire prendre un tout autre chemin que celui anticipé. Parce que nous ne sommes pas seuls, le libre arbitre des uns influence celui des autres en permanence. Si le destin peut nous être connu, c’est alors uniquement celui du passé, celui qui est figé et immuable, mais qui influence notre libre arbitre à chaque instant également.
Si le destin existe, il n’est alors qu’une histoire rendue à son terme et non une histoire à construire que l’on pourrait contrôler. Car le futur correspond à l’émulsion de notre nature, qui est forcée par son héritage et qui impose ce destin. Ce qui nous semble être le fait du hasard ne l’est donc pas, il a toujours sa raison, il est conditionné par le passé qui lui ne changera jamais. L’Homme l’a bien compris depuis longtemps et c’est ce qui lui fait imaginer un retour possible dans le passé qui ferait mentir la fatalité, par une action possible. Mais cela ne sera jamais possible, parce que le passé n’est pas disponible à ce qui évolue, à cause de sa nature qui est différente. En somme, le passé existe toujours, mais pour nous, cela tient de l’au-delà physiquement parlant. Et c’est la volonté tenace qu’ont certains, à vouloir maitriser leur destin à tout prix, qui fait imaginer ce genre de choses. Mais si la réalité était faite pour que ce soit possible, nous n’existerions tout simplement pas. Car la mécanique du monde va vers une évolution constante, dont la garantie est la non-altération de ce mouvement. Et prendre conscience de ça, donne toute la valeur de Dieu, qui seul peut nous venir en aide, pour nous donner un destin à la mesure de notre place dans l’évolution du monde. Car lui ne subit pas l’évolution du monde. Si notre nature est fantastique, c’est parce qu’elle est le produit de cette autre chose, qui perdure pour qu’elle subsiste. Il y a donc une relation entre les différents ordres. Et même si la science ne peut l’atteindre, la nature des Hommes, elle, peut en expérimenter le ressenti, car l’Homme est l’expression de cette relation.
LE COMPLEXE DE L'ORACLE