APERDYNE LE FILM - SAISON 1
TOUTES LES ÉCHELLES DU POSSIBLE
Il est en moi quelque chose d’indicible. Je le ressens, mais j’ai peine à l’exprimer. Je reste plein d’étonnements et je m’interroge, conscient de ce qui est, mais dont je ne sais rien. La conscience s’exacerbe en moi petit à petit, jeune créature, qui prend sa place dans cette réalité, parmi les miens, mes semblables, ceux qui font la norme de mon monde. On me guide, on m’éduque et j’apprends ce qui est essentiel à ma survie. Je m’adapte à une nature qui a ses codes et qu’il faut connaitre pour pouvoir durer, se reproduire et rapidement porté à ma connaissance aussi : mourir… Puis vient un jour, le temps où je me retrouve l’égal de mes tuteurs, au savoir épuisé sur des questions sans réponses. Et de m’échiner à mon tour à torturer ma conscience, bien limitée finalement. Pourquoi la vie ? Pourquoi la mort ? Quel sens donner à tout ça ? D’autres ont déjà répondu. Des générations d’êtres humains, échafaudant bien des postulats, s’affinant au fil du temps, lissant les imperfections. Puis parfois, une idée vient bousculer le bel édifice pour le remettre en question. Mais finalement, jamais rien de bien fondamental et les interrogations essentielles subsistent. Alors, qu’est-ce qui peut bien nous résister autant ? Car ne sommes-nous pas au sommet de l’évolution ? Donc, si la question de la vie et de la mort peut paraitre assez normale chez certains, celle de nos origines, elle, qui ne se l’est jamais posée ?
L’observance induit en nous un réflexe assez simple, où tout est commencement, puis prend une fin, comme dans la nature. Alors, qu’en est-il de l’origine de l’Homme ? Depuis toujours, c’est le mystère à soulever. Et s’il a fait l’objet de nombreuses hypothèses, aujourd’hui encore, les théories les plus élaborées ne dérogent pas à ce principe d’origine et de finitude, car c’est le temps qui marque le pas. Il passe et fait évoluer les choses, du plus simple au plus complexe, une entropie exponentielle dont la complexité noie notre logique locale et se joue de nous. Nos sens et nos facultés nous trompent, parce que notre système nerveux, basé sur les réflexes, occulte tout un pan de l’investigation possible par de simples phénomènes de tri. Et il en est ainsi, car au sommet de la complexité, c’est la simplicité qui permet d’appréhender les choses. Le monde est alors par réduction, pleins d’illusions, mais qui fait qu’il est vivable pour nous. Et si le résultat de la simplicité apparente est beau, il est aussi tout le mystère d’une réalité profonde qui nous échappe. On s’en remet donc aux solutions, tantôt dogmatiques, tantôt logiques, mais finalement jamais ne s’annulent.
Il faut acquiescer le fait que tout ceci nous dépasse très largement, et que détenir la vérité nous ferait sortir instantanément de notre condition. Il faut comprendre, avant tout, que les échelles qui composent notre réalité, ne nous sont accessibles qu’à une juste proportion, car l’accès à l’ensemble des échelles ferait de nous, tout autre chose que ce que nous sommes. Il ferait de nous ceux qui posent les échelles et non ceux qui les gravissent. Mais admettre un tant soit peu d’humilité n’est pas toujours dans la nature de l’Homme, petite bête curieuse qui s’immisce partout, gravissant toutes les échelles du possible. Pourtant, il serait temps qu’il comprenne, qu’il tourne en rond, infatigable, cherchant une issue. Cela me fait penser à une fourmi enfermée dans une boite de Petri, scrutant le moindre détail, qui lui donnerait la clé de l’ouverture. Alors, un peu de recul nous rend à l’évidence que nous sommes enfermés dans une réalité, qu’il nous est impossible à comprendre dans sa globalité et encore moins possible à contrôler. Mais la nature humaine est héritée de millénaires de domination sur son environnement, elle ne peut être changée ainsi, d’une simple idée, l’expérience lui ayant tellement montré que si l’on cherche, on trouve. Et l’Homme, telle la fourmi infatigable, se refuse à la résignation…
Si vous étiez celui qui observe la fourmi dans la boite, quelle raison vous ferait lui ouvrir celle-ci ? Son acharnement, sa résignation, sa mort… ? Vous avez placé la fourmi dans la boite pour une raison bien précise, qui échappe totalement à la conscience pourtant bien formée de celle-ci. Mais cette raison est-elle forcément sujette à son ouverture ? Peut-être pas… peut-être est-ce sans finalité, comme une boite de Petri à l’abandon. Ou au contraire, une libération totale ou partielle, à mesure de ce que l’on souhaite obtenir. Pour la fourmi, il n’y a aucun sens à tout ça. Cependant, il y a une raison à toute chose, et chaque chose à sa raison d’être ; une raison supérieure qui lui est inaccessible, mais qui est bien réelle, parce que pour elle, quelqu’un ou quelque chose a dit oui à tout ça. Et même si elle ne se l’explique pas, elle sait que ce n’est pas dû au hasard, car s’il y a quelque chose plutôt que rien, c’est que le hasard n’existe pas.
Chez l’Homme, des « fourmis savantes » pensent que les choses sont dues au hasard surgi du néant, passant leur temps à essayer de le démontrer. Mais cette vérité-là, apparaitra-t-elle un jour ? Car il faut alors reconnaitre, que plus on en apprend sur la nature et plus l’évidence s’impose : la vérité qui ferait de nous, des fourmis capables d’ouvrir la boite qui les contient, nous est inaccessible. Pour la simple et bonne raison : que « nous sommes des fourmis » !
Simple vision métaphorique sans fondements, me direz-vous… Pourtant, elle a le mérite d’être héritée de notre nature et jusqu’ici jamais démontée, car l’intuition des Hommes n’a finalement jamais dévié de cette voie. Et force est de constater que jamais personne n’a dit, pensé ou fait quoi que ce soit, qui ne soit emprunt à la nature : notre boite de Petri… Alors, pourquoi persister à démontrer par le palpable, ce qui ne l’est peut-être pas ? Pourquoi penser que ce qui est à l’origine de notre boite, est forcément de même nature, donc possible à mettre en équation ? Sans doute parce que l’Homme a acquis la fâcheuse tendance à tenir pour vérité, uniquement ce qui est démontrable et reproductible : la science. En somme, « Si ce que tu dis est vrai, alors prouve-le… ». C’est notre fonctionnement simple issu de la complexité, qui a besoin de voir et de palper les choses pour pouvoir les tenir pour vérité. Et les choses sont ainsi, car nous avons l’intelligence maximum qu’il nous est nécessaire, pas plus, comme toute autre forme de vie.
L’accumulation de notre savoir au fil des millénaires, ne participe en rien à l’augmentation de notre intelligence, c’est un leurre. L’Homme n’est pas plus intelligent qu’il y a des millénaires, c’est notre capacité à conserver l’information qui crée cette impression. Mais l’idée d’une évolution vers toujours plus de savoir et d’intelligence nous donne l’illusion que finalement, nous dominerons un jour l’univers, comme nous avons dominé la Terre ; et que rien ne nous arrêtera, si ce n’est peut-être nous-mêmes… Cette évolution de l’Homme fait qu’il en oublie sa condition d’origine et forge sa conscience à mesure de ses découvertes, qui lui créent un monde, du coup, devenu immense, qu’il doit continuer à conquérir et à dominer jusqu’à l’absolu. Les croyances de ses « ancêtres ignorants » appartiennent désormais au passé, devenues ineptes en tout point, tombent petit à petit dans l’obsolescence. Et la question multimillénaire de Dieu, maintenant devenue plus sujette à controverse qu’à conviction, forge, peu à peu, l’image d’un monde coupé en deux. Un monde devenu irréconciliable dans son impuissance à démontrer l’indémontrable, forçant le mépris de son prochain jusqu’à l’irréparable, si besoin est…
Mais nous ne sommes que des Hommes. Et il est urgent de prendre conscience que nos progrès technologiques ne feront pas de nous, quelque chose de plus que ce que nous sommes. Ce qui fait l’Homme est figé par sa morphologie et sa raison d’être. Et aucun progrès technologique ne changera ça, à moins, peut-être, de modifier l’être humain dans sa constitution, avec toutes les conséquences que cela suppose. Il est donc important de conserver, pour nous, l’essence de ce qui nous a amenés jusque-là ; et non de nous dénaturer jusqu’à l’asservissement à l’outil, censé nous emmener aux sommets illusoires d’une toute-puissance de vérité. L’Homme doit rester prudent, car il arrive à un moment charnière où il peut perdre tout contrôle de lui-même, dépassé par ses créations et inexorablement vassalisé, sans possibilité de retour à ses fondamentaux. L’illusion d’une omniscience démontrant sa supériorité, risque alors de le confiner dans une boite de Petri créée par lui-même. L’Homme est une part de la nature et doit le rester, puis la comprendre sans déviance, au risque de devenir tout autre chose, puis disparaitre des conséquences de son inanité.
Heureusement, quelque chose en lui est raisonnable et la vision alarmiste que l’on peut avoir de son devenir, préviendra peut-être les voies de son salut. Ainsi, l’instinct de préservation qui est le moteur du vivant et particulièrement exacerbé chez l’être humain, lui fait dire qu’une des voies possibles vers son salut, tient probablement en des choses relatives à son origine. Lui donnant alors une place privilégiée dans le monde du vivant. Car cette intuition qu’une origine préside à sa raison d’être, fait de l’Homme le privilège que l’intention donne au vivant. La question de l’Homme devient ainsi la question de Dieu, par la question de l’origine, auquel il faut donner une intention. Et si l’intention commande notre intuition, c’est que l’origine a une raison d’être pour le vivant, qui n’est pas celle du hasard, mais bien celle d’un intérêt.
LE COMPLEXE DE L'ORACLE