APERDYNE LE FILM - SAISON 1
LA MÉTAPHYSIQUE NOUS INCOMBE
La science qui étudie la nature, s’intéresse à ce qui est. Elle s’organise selon diverses disciplines, comme la biologie qui s’intéresse à tout ce qui est vivant, la physique de l’ordre de tout ce qui est inerte ou bien l’astronomie pour les choses célestes. Elle cherche à établir des relations de cause à effet entre ces différentes disciplines. La métaphysique, elle, s’intéresse à ce qui est de manière plus générale. Elle s’interroge sur l’origine de ce qui existe, et quels en sont les facteurs cachés pour expliquer tout ce qui bouge, quelle est la structure invisible derrière les apparences. Donc si l’on s’interroge sur ce qui est sans pouvoir découvrir son principe avec l’expérimentation, alors c’est du ressort de la métaphysique.
La physique fondamentale actuelle a donné à l’Homme un certain nombre de succès, de nouveaux outils toujours plus élaborés et des perspectives de recherche encore plus profondes, repoussant toujours plus la connaissance. Pourtant, elle repose sur une certaine dichotomie. Car il y a d’un côté la physique quantique qui décrit l’infiniment petit, celle des particules élémentaires et de l’autre, la relativité générale qui décrit la gravitation à toutes les échelles de l’univers. Mais ces deux théories s’expriment dans un formalisme très différent. Elles impliquent deux conceptions du monde incompatibles, ce qui intellectuellement pose de nombreux problèmes. Avec la relativité générale, on considère la matière constituée d’objets classiques, tels que nous les connaissons, de façon localisée, où ne réside pas de temps et d’espace absolu. Avec la physique quantique, le temps est bien défini et la matière est une représentation faite de fonctions d’ondes et de champs quantiques, qui ne sont pas des entités localisées. Ces deux mondes s’opposent, rendant difficile une conception globale et unifiée de notre réalité.
D’un côté, le modèle standard, s’il fonctionne bien et permet des prédictions vérifiées, contient cependant des incomplétudes. Il contient un certain nombre de paramètres arbitraires, dont l’origine nous est inconnue. Leurs valeurs, comme la masse des particules ou les intensités de leurs interactions (les constantes de couplage) n’ont pas de raison que l’on peut identifier. Le formalisme mathématique du modèle standard n’a donc pas d’origine justifiée. De ce fait, il peine encore à décrire la réalité du monde, de façon cohérente et complète. Les tentatives de théorie de grande unification restent ainsi pour l’instant peu convaincantes.
De l’autre côté, il y a la gravitation, celle-ci est décrite à l’aide de la relativité générale. De nombreuses observations et expérimentations sont venues vérifier cette théorie de diverses manières et avec grande précision, mais n’ont toutefois pas été testées dans tous les domaines. Et la création d’une théorie de grande unification obligera peut-être à la remettre en cause. Car à l’échelle microscopique, les mesures peinent à préciser l’interaction gravitationnelle qui s’exerce entre les objets, au-delà de quelques micromètres. À l’échelle des galaxies, si l’on s’en tient à la théorie de la relativité ; les observations nous montrent qu’il y a quelque chose qui ne va pas, car les étoiles et le gaz interstellaire semblent tourner trop rapidement. Mais heureusement, la métaphysique est là pour nous proposer des conjectures possibles, afin d’y remédier. On imagine alors la présence d’une matière invisible présente, pour conserver la validité de la relativité générale, à ces échelles : la matière noire.
La nécessité d’unifier la relativité générale et la physique quantique est importante. Car sans cela, il parait impossible de savoir ce qui s’est passé au début de l’univers ; au moment du big bang, où les effets de la gravitation, mais également les effets de la physique quantique y sont importants. La théorie des cordes et la théorie de la gravité quantique à boucles sont des tentatives pour y arriver, mais ne paraissent pas répondre aux promesses attendues. Et l’on peut se demander si parvenir à une telle formulation se révèle aussi difficile, c’est peut-être parce que la gravité diffère par nature des autres forces. La gravitation serait alors fondamentalement différente des autres interactions, elle ne serait pas quantique, tandis que les autres forces le seraient. Concevoir une théorie d’unification impose néanmoins de continuer à décrire la force gravitationnelle de la même façon que la relativité générale, en faisant en sorte que la matière, elle, continue à obéir aux lois de la physique quantique. Mais la science n’a aucune idée de la manière dont la matière, décrite par la physique quantique, courbe l’espace-temps. Pour cela, il faudrait comprendre ce qu’est la masse gravitationnelle ou bien comment se crée un champ gravitationnel, en physique quantique.
Pour expliquer le phénomène de l’accélération de l’expansion de l’univers, il a fallu introduire « l’énergie noire », comme composante de pression négative au modèle. Comme la constante cosmologique, introduite par Einstein en son temps, l’énergie noire agit comme une force répulsive gravitationnelle, poussant les galaxies à s’éloigner de plus en plus vite les unes des autres. Mais cela oblige à comprendre comment cela évolue au cours du temps et les raisons qui font que les quantités, pratiquement négligeables au départ, sont aussi importantes aujourd’hui. Alors si ce n’est pas prouvé, nos observations nous montrent néanmoins que nous ne vivons pas dans un univers ralentissant au bord de l’effondrement. Et si ce n’est pas l’énergie noire, d’autres raisons existent surement.
Certains imaginent ainsi que l’on peut être dans un monde complètement symétrique où matière et antimatière coexistent ; où le vide serait un milieu peuplé de particules, possédant des masses positives et d’antiparticules, avec des masses négatives dans les mêmes proportions. Dans ce cas, nous serions dans un univers qui refroidit doucement sans variations d’expansion ou l’énergie noire devient alors inutile. La gravitation serait dans ce cas, comme un phénomène émergent des propriétés du vide, une réaction provoquée par les masses en présence. La gravitation ne serait donc pas une force comme les autres forces du monde quantique, mais quelque chose de plus global, de sous-jacent à notre réalité, où l’antimatière y jouerait un rôle prépondérant.
La physique quantique se base sur des objets mathématiques : la fonction d’onde. Les informations disponibles dans ce système permettent de faire des prédictions précises, de calculer et de prévoir des probabilités de résultats d’une mesure, lors d’une expérience. Et cela fonctionne plutôt bien. Mais cette approche ne dévoile rien d’une réalité qui serait sous-jacente aux résultats des mesures expérimentales. On en reste là malgré le statut même de la fonction d’onde, où le fait de savoir si elle est un objet réel ou un simple outil mathématique n’est pas défini clairement. Alors si l’on veut savoir comment la matière quantique courbe l’espace-temps, on peut difficilement se contenter de toutes ses questions sans réponse. Il faut bien se résoudre à spéculer sur la nature tangible sous-jacente aux prédictions quantiques et explorer d’autres interprétations, à l’aide de la métaphysique si besoin est.
Selon certaines philosophies, l’univers ne serait pas fait d’entités distinctes et solides comme ce qu’on aurait tendance à croire, mais comme un vaste flux de courants dynamiques et d’événements interconnectés qui interagissent continuellement. Et c’est troublant, car une expérience de physique célèbre nous donne à penser que ce pourrait être le cas. Il s’agit du pendule de Léon Foucault. En 1851, Foucault s’est servi d’un énorme pendule pour démontrer la rotation de la Terre, en l’attachant à la voûte du Panthéon à Paris. Une fois lancé, on remarque que son plan d’oscillation pivote au fil des heures, changeant de direction. Cela est dû à la rotation de la Terre autour de son axe. Mais l’on peut se demander, par rapport à quel repère, le plan du pendule reste fixe. Parce que si le pendule, lui, est fixé au plafond du bâtiment sur terre, la Terre, elle, tourne autour du Soleil. Puis le Soleil autour de la galaxie, elle-même par rapport au groupe local, ensuite vers l’amas de la vierge et le superamas du centaure, tous attirés par leur gravité. L’ensemble tombe à son tour vers le grand attracteur et à l’univers dans son ensemble, comme si les choses étaient emboitées les unes dans les autres. Le pendule de Foucault ajuste donc son comportement en fonction de l’univers dans son ensemble. Et on ne s’explique pas ce comportement, c’est comme s’il y avait l’omniprésence de la matière et une influence mystérieuse distincte de la gravité. C’est ce que nous donne à comprendre le pendule de Foucault. Il existerait dans l’univers une interaction de toute autre nature, que celle décrite par la physique connue. La gravitation ne serait pas due à une force locale des objets du fait d’échange d’énergie, mais d’un ensemble, où chaque partie comporte, en elle-même, la totalité dont dépend tout le reste. Tout serait interdépendant. Et c’est important, car si le mystère de la gravitation qui nous échappe autant, ne se situe pas au niveau quantique, la vérité, elle, pourrait bien être ailleurs…
Alors, il aura fallu des connaissances majeures sur notre nature, pour passer d’une terre plate, au système solaire, puis d’un monde éternel et limité, à un univers immense en évolution. Les outils de l’Homme l’ont, à n’en pas douter, projeté très loin de sa condition animale. Cependant, malgré ses connaissances, il s’interroge encore quant à sa place privilégiée dans l’univers. Car ce monde, qui semble tellement être fait pour lui, ne fait que lui dire que quelque chose a pu créer ce monde. Comme la fourmi dans sa boite, l’Homme-explorateur a toujours tenté de définir les limites de son monde. Et si ses possibilités, jusqu’à récemment, se sont limitées à notre bonne vieille terre ; maintenant, avec les progrès de la science, les limites de son univers se sont révélées comme n’en ayant plus. Et cette possibilité, de l’illimité, a fait naitre dans son esprit, l’idée que son univers pourrait être immanent. Qu’il ne soit plus besoin d’événements créant le monde, car tout pourrait se suffire à lui-même. Avec la notion d’infini, notre univers aurait très bien pu se créer lui-même à partir du néant, puis évoluer au fil du temps, créant tout ce qui existe… Mais si cette conception est simple et commode, il faudra apporter une certaine réalité au néant, qui, disons-le, effondre toutes réalités possibles, rendant à l’au-delà toute réalité…
Cependant, notre univers est constitué d’éléments qui ont des valeurs constantes que l’on peut mesurer, comme la vitesse de la lumière. Mais ces valeurs ne semblent pas varier dans le temps ou dans l’espace. Pourquoi la vitesse de la lumière a-t-elle cette vitesse, plutôt qu’une autre ? Nous l’ignorons. Alors, est-ce que le néant définit des règles absconses, s’il n’est rien ? De même la masse des particules, pourquoi ont-elles les valeurs qu’elles ont ? Et pourquoi sont-elles si différentes ? Les choses paraissent réglées à la perfection, tellement, que la moindre variation des valeurs de ces constantes ferait de l’univers quelque chose d’impossible pour qu’émerge la vie. En tout cas, c’est notre logique qui veut ça. Et s’il y a bien une chose que nous enseignent les travaux sur le big bang, c’est bien celle-là.
Alors de quelle prééminence se traduit un néant qui peut tout ? Comment un univers qui se serait créé lui-même, aurait-il pu définir les réglages primordiaux parfaits, permettant la vie et la conscience, sans intention préalable ? C’est dur à concevoir si l’on veut donner du sens aux choses. Du coup, c’est un peu comme si les travaux sur le big bang nous donnaient la preuve de l’existence possible d’un au-delà. Car c’est bien de l’histoire de la réalité dont il s’agit, celle qui a un sens. Quel paradoxe ! De plus, un espace infini, c’est un espace qui se débarrasse de l’idée d’une gravité, pouvant attirer chaque chose en son centre, ce qui ne correspond pas à ce qu’on observe. Dans un univers infini, les étoiles se répartissent uniformément, sans qu’il existe de force gravitationnelle dans une direction particulière, créant un risque d’effondrement de l’univers. Mais si l’univers est infini, il n’a donc pas eu de début ni de fin. Cela évite la question de l’origine de l’univers. Pourtant, comme l’histoire de l’univers se fait dans le temps, il faut alors expliquer l’origine du temps lui-même. Car, comment le temps peut-il servir à dater un espace-temps, avec lequel il a émergé ? Cette idée est intéressante, parce qu’elle se dispense de l’idée d’un dieu omniscient et omnipotent, qui n’arrange pas toujours l’Homme. En effet, s’il y a un dieu, alors l’Homme ne peut être totalement libre comme il le pense. Si Dieu existe, s’il a créé l’univers, il est potentiellement à même de contrôler les Hommes et leurs destins. Cette idée est une entrave à la pensée humaine, habituée à contrôler tout ce qui lui résiste. L’Homme, par nature, pense qu’il peut décider de son destin avec son libre arbitre. Il est donc important, pour lui, de démontrer que le hasard existe. Hasard à l’origine de tout, et de ce fait, garant que les Hommes sont maitres de leur destin, à l’image de la fourmi enfermée dans sa boite, se refusant à la résignation. Mais alors, le hasard existe-t-il ou non ? Cette question est importante à trancher. Car du coup, elle change complètement la perception que nous pouvons avoir de notre monde. Elle change les idées, elle change le pouvoir, elle change notre évolution future…
LE COMPLEXE DE L'ORACLE