APERDYNE LE FILM - SAISON 1
DIVINE COSMOGONIE
La théorie du big bang est une construction mathématique complexe. Elle est difficilement accessible si l’on n’est pas spécialiste. Il faut avoir des connaissances techniques importantes, afin de pouvoir s’en imprégner réellement. De plus, elle est incomplète, faisant l’objet de nombreux paradoxes, ce qui ne facilite pas sa vulgarisation. Mais l’idée générale peut tout de même s’exprimer, à l’aide d’analogies, et pourquoi pas, narré à la façon d’une histoire pour enfants ; comme pour la genèse en son temps, cette cosmogonie, qui décrit la formation du monde et dont la symbolique en a permis la compréhension par le plus grand nombre.
Imaginez une pièce vide, fermée et sans ouverture. Au milieu de cette pièce, une table et sur cette table un bocal rempli d’eau où nagent poissons et autres crevettes. Sur un des murs, un robinet qui goutte légèrement. Dans le bocal, on vit et la société s’organise, on discute et l’on philosophe sur les origines de la vie et de ce que l’on est. On s’interroge sur ce dont est l’eau, qui nous permet de vivre, de quoi elle est faite, d’où elle vient, etc. Les poissons sont les érudits, les scientifiques, les grands philosophes… Les crevettes, le petit peuple, souvent ignorant ou empreint de spiritualité. Car pour les crevettes, comme pour les poissons d’ailleurs, les mêmes grandes questions fondamentales restent sans réponse. Mais l’intuition leur dit, sans pouvoir l’expliquer, que tout de même, une raison existe à tout ça. Il a bien fallu un début, une intention pour la création de la pièce (l’univers) ; celle du bocal (la Terre), celle de l’eau (la matière) et celle de la vie (les poissons et crevettes pour s’interroger sur tout ça). Ce qui a créé l’univers n’a semble-t-il que de bonnes intentions, dont une, qui les a placés au centre de l’univers et au sommet de l’évolution. Car c’est un vrai bonheur que de nager dans cette eau et de contempler la nature. Ce qui est à l’origine de tout ça nous ressemble donc forcément plus ou moins. Il nous a imaginés un peu comme lui de toute évidence. Les crevettes confortées dans leur intuition, qui, au fil des générations, n’ont jamais vu leurs pensées remises en question, ont fini par vouer un culte à ce créateur. Il subsistait néanmoins une raison à trouver au mal, qui s’exprime parfois dans le bocal. Car un créateur-bienfaiteur ne peut avoir créé le mal, ce serait un non-sens. Mais quelque chose comme la crevette noire pourrait bien faire l’affaire et tout expliquer…
Les poissons, eux, sont plus sceptiques depuis toujours, ils sont curieux et ne se satisfont pas des allégations fantaisistes et sans fondement des crevettes. Ils semblent plus intelligents, car ils ont déjà démontré qu’ils sont faits d’eau, cette même chose dans laquelle ils nagent. La vie des poissons et des crevettes s’explique donc de fait… Nul besoin de créateur et encore moins de crevette noire. Parce que pour les poissons, il existe une explication rationnelle à toute chose et il suffit donc de chercher pour trouver…
À force, ils ont inventé ce qu’ils appellent : la science. Et grâce à la science, un progrès immense fut accompli, le jour où un poisson put s’extraire de l’eau, en un bond spectaculaire. On constate ainsi qu’autre chose existe en dehors du bocal, un vide immense et sans eau. On a pu y apercevoir la rotondité du bocal et donc en déduire des tas d’informations « scientifiques ». L’eau est limitée à une zone comprise dans les limites du bocal, elle n’emplit pas tout l’univers, comme on le pensait jusqu’alors. On ne peut de ce fait pas vivre en dehors du bocal. Les poissons ont reculé de façon très importante les limites du savoir…
Les crevettes sont très impressionnées par cette science, qui finit par expliquer tant de choses. Mais elles gardent la foi, guidées par leur intuition. Elles pensent que les poissons ne pourront jamais dépasser l’origine de la création du monde. Mais les poissons ont quand même semé le doute, dans l’esprit de bien des crevettes, qui, du coup, se passionnent de plus en plus pour la science.
Au fil du temps, deux mondes s’affrontent, les croyants et les non-croyants. Chacun y va de ses arguments, et cela tourne même au drame parfois, car on n’hésite pas à utiliser la violence pour convaincre, si nécessaire. Les poissons ne croient pas à un créateur, qui aurait conçu et placé le bocal au centre de l’univers. Pour eux, les choses sont arrivées comme ça, par hasard, au fil du temps, et il faut continuer à chercher pour corroborer cette idée. Comme il n’est pas possible de vivre en dehors du bocal, il faut trouver un moyen d’explorer l’univers immense d’une autre façon. Les poissons ont donc inventé « la loupe ». Elle permet de voir plus loin, bien au-delà du bocal, jusqu’aux origines de la création de l’univers peut-être… Et, surprise, un jour, on découvre quelque part très loin du bocal, un objet : ils l’appellent « le robinet ».
Quels progrès incroyables ! On construit alors des loupes de plus en plus performantes, afin de pouvoir le scruter et l’analyser plus en détail. On a peut-être trouvé l’origine de la création du monde, car le robinet est l’objet le plus lointain qu’il est possible de percevoir. Cette nouvelle se répand à travers tout le bocal, de manière retentissante. Les crevettes sont subjuguées, les poissons excités par la découverte. Toute la communauté est en ébullition et les théories, des plus réalistes aux plus fantaisistes, font leurs apparitions. Jusqu’au jour, où les poissons découvrent que du robinet coule de l’eau. C’est fantastique, voici enfin la preuve que tout vient de là…
Une crevette plus intelligente échafaude alors une théorie. Le Créateur a créé le robinet d’où s’écoule l’eau, le bocal devait donc être sous le robinet à l’origine, puis il a poussé le bocal, pour qu’il s’éloigne progressivement. Mais les poissons sont plus pragmatiques, ils ne veulent pas croire qu’un créateur ait déplacé le bocal, après l’avoir rempli d’eau. Alors pour expliquer que le robinet soit si loin du bocal, ils modifient la théorie : c’est en fait la pièce (l’univers) qui a grandi et déplacé le bocal. À l’origine, tout était dans le robinet, il s’est ouvert, car la pression était trop forte, et tout a jailli puis créé jusqu’à la vie, ne cessant de se répandre et de s’agrandir à l’infini. Nul besoin d’un créateur pour expliquer le monde, c’est l’eau qui est à l’origine de tout. Elle s’est transformée, créant le temps, la pièce, la table, le bocal, l’eau et les créatures aquatiques ! Cela devient la théorie du tout, tout simplement…
Mais c’est vraiment très compliqué et les poissons peinent à finaliser leur théorie. Le défi est immense et plein de paradoxes. Tellement, que finalement, les crevettes, confortées dans leur intuition, imaginent qu’il ne sera jamais possible, même en expliquant la transformation de l’eau, de justifier la création du robinet sans le Créateur. Elles sont confortées dans leur foi…
Voici une histoire amusante qui peut être racontée aux enfants, afin de leur expliquer la création du monde sans parti-pris… Quant au monde des adultes, cela se complique, car l’esprit d’un adulte n’est pas celui d’un enfant. Du point de vue de la psychologie, il y a plusieurs manières de découvrir Dieu. Chez l’enfant, cela peut être présenté par les parents par exemple, mais il faut attendre que celui-ci accède au récit pour se faire sa propre opinion et considérer que Dieu est bon ou pas. Cela théorise l’attachement avec lequel Dieu peut être une image paternelle. Chez les chrétiens d’ailleurs, « Dieu le Père » en serait le reflet. Et puis on peut le découvrir plus tard, au cours d’une émotion intense d’angoisse ou d’érotisme, comme lorsque l’on décrit sa relation avec Dieu, comme avec un amant. Pour la psychologie, il semble que c’est parce que nous avons des émotions totalement désincarnées et irréelles que nous avons besoin de transcendance. Nous imaginons une entité invisible qui nous gouverne et qui prend un nom. Il est partout, il est en nous. Nous éprouvons en notre for intérieur, une représentation ou une sensation forte, qui, comme une évidence, confirme cette entité invisible ; rendant difficile d’apporter la preuve de l’existence de Dieu. Les psychologues nous disent que Dieu a une fonction paternelle, à l’image d’un « doudou » spirituel. Un enfant a besoin de la proximité physique de ses parents, chez l’adulte, cette proximité est représentée par Dieu, entrainant cette sécurisation. Les églises, les calices, l’encens, la musique chez les chrétiens deviennent des objets transitionnels permettant d’éprouver la présence de celui qui n’est pas là. Mais les non-croyants possèdent un sentiment transcendant également, qui est celui de l’Homme. C’est une élévation, un élan, comme celui que connaissent les croyants. Où la religiosité est remplacée par la volonté de construire une société plus juste.
Alors si du point de vue des psychologues les choses sont simples, pour celui des scientifiques, il en va autrement. Il est bien plus ardu, que de décréter, que pour ce qui est de la question de Dieu, tout est dans la tête de l’Homme. La science, elle, doit s’attacher à apporter des preuves avant d’affirmer quoi que ce soit. Et avec la théorie du big bang, elle en est encore loin. Malgré tout, elle bénéficie d’une bonne réputation, elle est peu contestée sur le fond, certainement parce qu’elle peine à remettre formellement en cause l’idée créationniste. En effet, elle ne dit rien quant à ce qui a précédé le big bang et que par conséquent, la main de Dieu peut toujours y trouver sa justification pour le tout un chacun. Finalement, si elle se distingue d’une cosmogonie, par les lois générales avec lequel le monde physique est gouverné, elle n’enlève en rien le mystère de ce qui est en tant que tel. Les croyants et les scientifiques peuvent donc coexister en paix, sur la terrible question du pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien…
Mais pour le reste, il en va autrement, la question de l’origine ne règle pas celle de Dieu, loin de là. Et si la science peut admettre un préalable à ce qui est, elle conçoit difficilement que la cause puisse en être de nature divine. Car les croyants, eux, affirment, que ce qui a créé le monde, a également une intention pour nous-mêmes ? Elle doit s’attacher, alors, à démontrer que les choses peuvent être, sans intentions d’un au-delà. Que tout peut exister et s’expliquer, sans la présence d’une raison suprême centrée sur nous ! Et c’est là le talon d’Achille de la théorie du big bang, car elle n’est pas encore à même de se débarrasser des nombreuses questions relatives à Dieu. De plus, il y a l’épineux paradoxe, de pouvoir expliquer le tout par l’observation. Parce que si les humains peuvent expliquer l’univers, il n’est pas interdit de penser qu’ils puissent être à même de le reproduire un jour ; se plaçant de fait en Dieu créateur, pour tout ce qui pourrait y vivre à l’intérieur…
S’il devait y avoir une morale à notre histoire pour enfants, c’est que l’explication de l’univers par la science ne peut être atteinte, sans être à même de pouvoir créer l’univers lui-même. Comment le poisson peut-il imaginer ce qui se trouve en dehors de la pièce ? Le tuyau qui va jusqu’au robinet dans le mur, la pompe qui amène l’eau, le château d’eau, la rivière, la mer, la planète, puis l’univers intergalactique… Le poisson ne peut trouver une explication à son univers, sans jamais avoir eu référence, de près ou de loin, à toutes ces choses qui ne font pas son monde. Il ne peut imaginer les choses, que de façon repliée sur lui-même : avant, il n’y avait rien, puis le robinet surgit pour créer le tout. Son esprit ne peut dépasser ce qui lui sert de référence. La théorie du big bang, si elle est un bel objet mathématique, se confronte forcément à ce paradoxe et c’est normal. Si l’on veut expliquer notre réalité dans sa globalité, notre vision s’achoppe fatalement aux incohérences de l’approche de cette globalité. Il n’est pas possible de décrire notre réalité à la manière d’un continuum, tout simplement. D’autres approches sont nécessaires…
Alors, comment soulager nos frustrations ? Comment admettre l’idée, que le sens à tout ça ne passerait peut-être pas par nous ? Ou au contraire, tout, remettant fortement en cause notre degré de liberté ? Il faut donc s’extraire des idées reçues qui nous formalisent, afin d’échafauder une certaine forme de vérité et non, fixer son idéologie en fonction de ce qui nous influence en permanence. Il faudra répondre encore à de nombreuses questions, avant de décréter que celle de Dieu peut être devenue sans objets… Puis les paradoxes n’appartiennent pas qu’à la science, car la philosophie religieuse nous enseigne que Dieu est partout, voit tout et sait tout. Il est l’univers, et de ce fait, l’énergie qui le constitue. Alors par définition, si Dieu existe, il est l’énergie créatrice de sa propre réalité, Dieu s’étant créé lui-même… Des paradoxes de la science et de la religion, ceci aurait pu être le mot de la fin. Mais tout de même, les mécanismes de notre monde ont encore beaucoup de choses à nous apprendre et la question de Dieu, toujours en suspens, en est le fil conducteur.
LE COMPLEXE DE L'ORACLE